


Observations chiroptères
en zone humide
en forêt de St Germain en Laye
Les zones humides sont des endroits qui
concentrent la richesse en matière de
biodiversité, et tout particulièrement en forêt.
Tous les animaux de la forêt s’y donnent rendez-vous, pour boire, manger, se reproduire. L’eau est un milieu favorable aux insectes, et donc aux oiseaux, aux amphibiens et aux chauves-souris.
Après avoir recherché sur plusieurs sites d’observations naturalistes les chiroptères déjà observés en zone humide en forêt de St Germain en Laye, force a été de constater que quasiment aucun relevé n’avait été effectué. Quelques observateurs ont réalisé des enregistrements plutôt en périphérie de la forêt. Mais aucune observation n’apparaît dans le fichier des observations de l’ONF (d’autant que depuis 2013 rien n’y est mentionné pour cette forêt !), ni dans les sites comme GeoNat IDF ou iNaturalist.
Ci-dessous, exemple d’observations de vertébrés recensées sur le site iNaturalist au 24/09/2025 pour la partie sud de la forêt de St Germain en Laye.
Avec Véronique, nous avons donc placé notre enregistreur autour de deux mares, l’une en parcelle 199, en mars et en août, l’autre en parcelle 191, en août aussi. Les photos montrent que ces mares sont très mal entretenues, la végétation les envahit et les assèche progressivement.

Mare parcelle 191

Mare parcelle 199
La richesse en biodiversité des zones humides n’a pas été démentie. Ce ne sont pas moins de 10 espèces qui ont été observées en mars et en août 2025 : pipistrelle commune, pipistrelle de Kuhl, pipistrelle de Nathusius, pipistrelle pygmée, noctule commune, noctule de Leisler, sérotine commune, oreillard gris, murin de Natterer et grand murin.
Cinq de ces espèces sont typiquement forestières et nichent dans les arbres, quatre sont mixtes mais utilisent souvent les arbres pour nicher (trous, fissures), la dernière chasse en forêt sans y nicher.


Les enregistrements sont faits sur 2 nuits à chaque mare en commençant 30 minutes avant le coucher du soleil et en terminant 30 minutes après son lever.
Ils sont envoyés au programme « Vigie Chiro » du Muséum National d’Histoire Naturelle qui en fait un traitement automatique. Les espèces certaines comportent des centaines voire mille à deux mille « contacts », ou passages devant l’enregistreur, le logiciel les analyse et donne un nombre de contacts quasi sûrs pour chaque espèce, plusieurs dizaines ou plusieurs centaines.
Une des 2 mares a permis d’obtenir le double de résultats que l’autre : la surface en eau y est supérieure, le temps était plus chaud et moins venteux. Lors d’un passage en mars, la 2e nuit a été pluvieuse et venteuse et n’a donné presque aucun enregistrement. Nos chauves-souris sont très sensibles à la météo !
Ensuite, il faut revérifier pour chaque espèce en analysant des contacts très probables de manière détaillée : fréquence maxi, mini, de maximum d’énergie, durée du cri, intervalle entre les cris.
Pourquoi cela donne une « signature » caractéristique d’une espèce ?
C’est comme pour les humains, la morphologie change la voix … Mais en plus les chauves-souris ont l’habitude de faire des cris à chaque battement d’ailes, ou plus vite mais en restant synchronisées, comme des sportifs qui calquent leur respiration sur leur course. Donc là encore, la morphologie change le rythme et l’intensité des cris.
Dans la même espèce, il y a des plages, par exemple un cri qui peut durer de 2 à 6 millisecondes. Et certaines espèces proches ont parfois des signatures qui se ressemblent ou se chevauchent, il arrive que le doute persiste, ou que d’autres critères plus fins permettent d’orienter un choix.
Exemple d’analyse sur un graphique temps/fréquence :
Cri typique de la pipistrelle commune : la fréquence terminale est à environ 46 kHz, l'intervalle visible ici est de presque 90 millisecondes (un peu moins de un dixième). Chaque cri semble double, c'est un effet d'écho au-dessus de l'eau. (On est à environ 20 minutes après le coucher du soleil, il fait encore jour.)
Enfin, il est intéressant de revérifier le plus possible d’enregistrements car certains peuvent être classés en bruit non reconnu le plus souvent parce que deux chauves-souris différentes, ou plus, sont passées en même temps.
Par exemple, dans les milliers d’enregistrement en parcelle 191 est apparu un passage de grand murin. C’est une espèce rare et classée vulnérable sur la liste des chauves-souris d’Ile-de-France. Il vient chasser en forêt, plutôt au sol, et peut-être est-il passé pour se désaltérer ou simplement en utilisant l’espace découvert comme voie de passage facile.
Ci-dessous le détail de l’enregistrement du grand murin :
Le cri est très rapide, la fréquence part d’environ 60 kHz et tombe à 23, le maximum d’énergie est à environ 30 kHz. L’intervalle moyen entre deux cris est de 94 ms. La signature est caractéristique des murins, très différente des pipistrelles, mais le maximum d’énergie aussi bas est typique du grand murin.
Les chauves-souris sont vitales pour l’équilibre écologique de la forêt, dans les zones humides et ailleurs, notamment parce qu’elles éliminent beaucoup de prédateurs des arbres. Leur habitat est protégé par les lois européennes et françaises, donc il est indispensable de confirmer leur présence, de définir si leur habitat est arboricole ou plutôt dans les grottes ou les constructions humaines afin d’orienter des mesures de protection au moment d’engager des travaux quels qu’ils soient.
Pour les chauves-souris et pour les amphibiens, les études montrent qu’il faudrait protéger la forêt au moins dans les 100 mètres autour d’un point d’eau soit 3 hectares qui sont peu de choses, même avec une quinzaine de mares dans une forêt de 3500 hectares !
A ce jour, il reste malheureusement difficile d’en convaincre les forestiers, même si c’est pour le bien de leur forêt, et on constate qu’ils font bien peu d’efforts pour inventorier la faune dans les zones humides !
Contact : Jean-François Bron (via contact FAFIDF)
